Structures étrangères – Les TRUSTS

Le Trust est un lien juridique en vertu duquel un CONSTITUANT (SETTLOR, appelé aussi GRANTOR) confère la PROPRIETE (LEGAL OWNERSHIP) de biens (ASSETS) à une ou plusieurs personnes physiques ou morales (TRUSTEES) afin qu’elles disposent librement de ces biens dans l’intérêt d’un ou plusieurs BENEFICIAIRES (BENEFICIAL OWNERSHIP).
Souvent, le constituant est aussi le premier bénéficiaire.

Il arrive que le constituant confie un pouvoir de contrôle (veto) sur l’activité des Trustees à une personne, le PROTECTOR ou ENFORCER qui l’exercera dans l’intérêt des bénéficiaires : le PROTECTOR peut, même, à certaines conditions, révoquer les TRUSTEES.
Le constituant lui-même peut être PROTECTOR.

L’institution du TRUST se fonde sur un dédoublement du titre de propriété typique du Droit anglais, qui au Moyen-Age, permettait aux vassaux d’une seigneurie d’échapper à la fiscalité abusive ou à la confiscation de leurs terres par les Seigneurs amis ou ennemis. Depuis le règne de Guillaume le Conquérant en l’an 1006, la totalité de la terre du Royaume d’Angleterre appartient au souverain. Les Droits sur les sols ont du ainsi se superposer. Sur les terres du Royaume, le souverain concède des fiefs aux chevaliers, des « Knight fee ». A partir du XII°, les fiefs disparaissent et deviennent des freehold, dont le droit de propriété est indéterminé. Lors des premières croisades, il fallait protéger les mineurs (futur héritier) contre les appétits des gardiens du fief, qui pouvaient être tenté de s’approprier le fief en cas de disparition du chevalier pendant la croisade. Le chevalier disposait alors d’un droit sur le fief appelé le feofor. Il confiait alors son fief à des amis, les feofees, avec pour consigne de l’entretenir et de le transmettre à l’héritier majeur, appelé le « cestui que use« . Ce procédé juridique, ancêtre du Trust, s’appelait « use« . Ce procédé va de plus en plus être utilisé pour les donations, contournant la loi sur les successions, au point que Henri VIII va le faire interdire au vu du manque à gagner par le Trésor Royal. Les juristes anglais vont créer le Trust, dans lequel le Settlor cède ces droits aux Trustees au bénéfice d’un beneficiary. Les « Rules of Perpetuity » du XVII° exigent que les beneficiaries soient des personnes vivantes ou susceptibles de naître rapidement, et fixent la durée du Trust à deux générations, limite supprimée en 1601 pour les Trusts « charitables ».

Le Droit anglais différencie le LEGAL OWNERSHIP et le EQUITABLE INTEREST.
Le LEGAL OWNERSHIP est la propriété « fondée sur les formes d’action en justice reconnues par les cours seigneuriales ». Seules seraient dignes de protection les droits fondés sur les actions en justice, on dit qu’ils sont « ENFORCEABLE ». Il s’agit d’un modèle procédural typique du Droit Romain. Le droit d’agir et le droit invoqué lors de cette action se confondent, d’où la notion « Point de Droit sans Action« .
Autrement dit c’est le trait d’union entre le fond et la forme. On estime que l’action et le droit substantiel, forme et fond, doivent être assimilés, et on va dire que l’un et l’autre sont les deux faces d’une même pièce.
On va dire qu’il n’y a pas d’action en justice sans droit substantiel, sinon cette action ne sert à rien. Et inversement il n’y a pas de droit substantiel sans action en justice, sinon ce droit ne serait pas respecté. Pour faire simple, dans le Droit Romain, le magistrat délivrait un document à celui qui voulait agir en justice, et ce document n’était délivré que si la personne pouvait se prévaloir d’un Droit. La différence avec le Droit français ? Le Droit d’agir est dissocié du Droit applicable. En gros, on peut agir en justice, c’est jugé recevable, mais l’action peut échouer sur le fond (par exemple à cause d’une prescription).
Ce type de propriété est reconnu au TRUSTEE.

Le EQUITABLE INTEREST est le droit de propriété fondé sur l’équité, tel qu’il était reconnu par la Cour Royale du Lord Chancelier, qui n’était pas tenu par le Droit seigneurial et jugeait « en équité ». Dans l’équité, un juge détermine ce qui est juste et équitable et prend une décision par opposition à décider ce qui est légal.
Ce Droit est reconnu au BENEFICIAL OWNERSHIP, le bénéficiaire du Trust.

De ces principes découlent les principales caractéristiques du TRUST

  • le Trust n’est pas une personne morale : il n’est pas en lui-même titulaire de biens ou de droits–> le TRUSTEE se voit reconnaître la propriété de biens, mais ces biens ne rentrent pas dans le patrimoine des TRUSTEES, et ne sont accessibles ni aux créanciers ni aux héritiers des TRUSTEES. C’est une forme de servitude
  • le TRUSTEE est un propriétaire responsable : son pouvoir est finalisé à l’accomplissement des souhaits du CONSTITUANT : l’intérêt des bénéficiaires. Le TRUSTEE peut être appelé à rendre compte, mais il n’est PAS un mandataire. S’il viole ses engagements, il ne devra pas rendre compte au CONSTITUANT mais aux bénéficiaires et au PROTECTOR du TRUST.
  • Le TRUST n’est pas une FIDUCIE d’après la définition du Droit romain : il n’y a pas de contrat ni d’obligation de restitution. Ce n’est pas un contrat car le SETTLEMENT est un acte unilatéral du CONSTITUANT qui transfère ses biens aux TRUSTEES.

Pour être considéré comme tel, le TRUST doit priver le CONSTITUANT de la propriété de ses biens. C’est la condition primordiale et le but à atteindre, sans quoi le TRUSTEE serait considéré comme un simple mandataire, et le transfert des biens comme une opération fictive. Le TRUSTEE se voit donc reconnaitre tous les droits d’un propriétaire, y compris le droit d’aliéner les biens, de les vendre au rabais, et même de les transférer à d’autres TRUSTEES, limité en cela uniquement par un véto du PROTECTOR.

Les TRUSTEES n’ont aucune obligation envers les CONSTITUANTS, même s’ils ne respectent pas ses souhaits exprimés dans le « LETTER OF WISHES« . Le respect des « LETTER OF WISHES » peut toutefois être exigé par les bénéficiaires du TRUST qui ont le droit de protéger leur « BENEFICIAL OWNERSHIP« , ou « EQUITABLE INTEREST« .

Le TRUST est multiforme, par exemple au Delaware, une même personne peut être à la fois SETTLOR, BENEFICIARY, PROTECTOR, et même TRUSTEE

A propos de Didier Durand 135 Articles
Expert en Gestion internationale de Patrimoine et Solutions de Sécurité privée.

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