LA LOI de Finances du 29 Juillet 2011 prévoit la nouvelle fiscalité des TRUSTS en France. Applicable au seul domaine FISCAL, la loi de 2011 a ignoré le principe anglo-saxon de la séparation des patrimoines et a défini le TRUST comme une forme de MANDAT FIDUCIARE atypique:
« Art. 792-0 bis. – I. ― 1. Pour l’application du présent code, on entend par trust l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un Etat autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé. »
L’article 120-9° du CGI prévoit que sont considérés comme des revenus de valeurs mobilières assujettis donc à l’impôt sur le revenu « les produits des TRUSTS, quelle que soit la consistance des biens composant ces TRUSTS« .
– Les transmissions à titre gratuit réalisées via un TRUST et qui peuvent être qualifiées de donation ou succession sont soumises selon le cas aux droits de donation ou de succession, compte tenu du lien de parenté existant entre le constituant (SETTLOR) et le bénéficiaire
– Lorsque le droit commun ne peut pas s’appliquer et que donc les opérations du TRUST ne peuvent être qualifiées de donations ou de successions, la loi de 2011 crée une imposition spécifique : des droits de mutation sont appliqués au jour du décès du constituant (SETTLOR), que les actifs du TRUST soient transmis au jour du décès ou qu’ils restent dans le TRUST après le décès du constituant (SETTLOR). De plus, lorsque l’administrateur du TRUST est soumis à la loi d’un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A ou lorsque, au moment de la constitution du TRUST, le constituant (SETTLOR) était fiscalement domicilié en France, les droits de donation et les droits de mutation par décès sont dus au taux unique de 60%. En application de l’article 750 ter du CGI, ces droits seraient dus soit lorsque le défunt a son domicile fiscal en France, soit lorsque les biens mis en TRUST sont situés en France (présomption de propriété).
La Fiducie en France
la Fiducie est l’un des plus anciennes structures juridiques connues destinée soit à la gestion d’un patrimoine (la « fiducie gestion »), soit à la garantie d’une créance (la « fiducie sûreté »).
Déjà le Droit Romain distinguait :
– La Fiducie utilisée à fin de gestion pour le compte d’autrui (fiducia cum amico)
•- La Fiducie utilisée à fin de garantie (fiducia cum creditore) pour la constitution de sûretés.
La Fiducie-sûreté se présente comme un contrat par lequel un débiteur transfère à son créancier la propriété d’un bien afin de garantir le paiement de sa dette. En règle générale, le débiteur est le fiduciant et le créancier est fiduciaire. Il existe cependant des cas où le fiduciant n’est pas le débiteur, mais une personne garantissant la dette d’autrui.
Le fiduciaire reçoit un bien qu’il est chargé de détenir en garantie d’une créance. Il est en outre, obligé par le contrat, en fin d’opération, de restituer ce bien au bénéficiaire désigné. Il peut l’être lui-même dans l’hypothèse où il sera créancier ou ce peut être un tiers dans les autres hypothèses. Dans le premier cas, s’il y a non paiement de la dette, le transfert ne sera plus temporaire mais définitif. La mission du fiduciaire est dans ce cas une mission éventuelle de restitution.
Au Moyen-âge, la Fiducie a été utilisée pour protéger ou transmettre le patrimoine de ceux qui partaient aux croisades, puis, elle a disparu dans certains pays, comme la France, soucieux surtout d’éviter des fraudes (fiscales) aux lois sur les successions et les donations et aussi, pour des raisons idéologiques. En effet, dans notre Ancien Droit la Fiducie prenait la forme des substitutions fidéicommissaires, qui obligeaient l’héritier ou le légataire à conserver les biens transmis et à les retransférer à son décès à un tiers désignés d’avance. Les substitutions fidéicommissaires avaient pour fonction de maintenir l’intégralité du patrimoine dans la famille, en rendant les biens transférés au fidéicommissaire inaliénables. Elles pouvaient s’étendre sur plusieurs générations successives avec une multiplication des fidéicommissaires et préservaient ainsi la richesse des familles aristocratiques. Ainsi les parents pouvaient nommer leurs enfants substituts fidéicommissaires en leur imposant de conserver les biens de la famille pour les générations futures.
C’est parce que ce système était un facteur sclérosant pour la société toute entière et perpétuait les inégalités que les substitutions fidéicommissaires furent prohibées par une loi du 14 novembre 1792 et la Fiducie fut volontairement oubliée par les rédacteurs du Code civil.
La Fiducie est toujours couramment utilisée dans certains pays de droit romano-germanique comme l’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg ou même le Québec. La France a été longtemps l’un des rares pays européens à ne pas disposer de cet instrument juridique. Longtemps redoutée par le Trésor Public qui la considérait comme un outil de fraude fiscale, la Fiducie est entrée progressivement dans notre système juridique, avec d’importantes limitations. En France, un Projet de loi su la Fiducie avait été déposé en 1992 et, après de nombreuses hésitations, dues aux difficultés d’application en matière fiscale et successorale, avait été abandonné.
En France, c’est la loi (n°2007-211) du 19 février 2007 qui a institué la Fiducie, l’a définie aux articles 2011 et suivants du code civil comme étant : « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires« . Cette loi s’inscrit dans le LIVRE III du Code Civil qui traite des « Différentes manières dont on acquiert la PROPRIETE« . Il ne s’agit pas donc d’une forme de MANDAT mais bien d’un moyen de transmission de la propriété.
Les parties au contrat :
Il s’agit d’un contrat par lequel une personne (le constituant) transfère la propriété de tout ou partie des biens ou droits qu’elle possède à une autre personne (le fiduciaire), à charge pour celui-ci d’agir, dans un but déterminé au profit de bénéficiaires”. En principe, les bénéficiaires ne participent pas à ce contrat. Depuis 2007, afin d’éviter l’optimisation fiscale, le détournement de la loi sur les successions et le blanchiment, seules pouvaient être constituants les personnes morales soumises de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés.
Cette interdiction a été abrogée à compter de 2009, par l‘article 18 de la loi de modernisation de l’économie du 4 Août 2008. A compter de cette date, toute personne physique ou morale, quel que soit son régime fiscal, pourra constituer une Fiducie. Ainsi pourront avoir la qualité de fiduciaires, les banques, le Trésor public, les Sociétés d’Economie mixte, les Sociétés de Gestion de portefeuille, les entreprises d’assurance, et même les avocats. La réforme de 2008 a donc permis à des entrepreneurs (ou auto-entrepreneurs) personnes physiques d’utiliser la Fiducie pour affecter certains de leurs biens à leur exercice professionnel et de protéger certains biens personnels contre leurs créanciers. Une ordonnance (n°2009-112) du 30 janvier 2009 assure la protection des personnes physiques en imposant le recours à un acte notarié lorsque la Fiducie porte sur un bien commun ou indivis.
La loi de 2008 a ouvert la qualité de fiduciaire aux avocats. Ces derniers devront cependant justifier d’une garantie financière en cas de mise en jeu de leur responsabilité civile professionnelle. La loi interdit le cumul de la fonction de fiduciaire et de curateur ou tuteur, de sorte qu’un contrat de Fiducie ne puisse pas lier le majeur protégé à son tuteur ou curateur. Le constituant ou le fiduciaire peuvent être bénéficiaires du contrat de Fiducie.
L’objet du contrat :
Le contrat doit déterminer, à peine de nullité (article 2018 du Code civil) :
• les biens, droits ou sûretés transférés. S’ils sont futurs, ils doivent être
déterminables ;
• la durée du transfert, qui ne peut excéder 99 ans à compter de la signature du contrat ;
• l’identité du ou des constituants ;
• l’identité du ou des fiduciaires ;
• l’identité du ou des bénéficiaires ou, à défaut, les règles permettant leur
désignation ;
• la mission du ou des fiduciaires et l’étendue de leurs pouvoirs d’administration et de disposition.
La Fiducie doit être expresse, c’est-à-dire que, contrairement au trust implicite (CONSTRUCTIVE TRUST) dont l’existence peut-être implicitement déduite des faits par les juges), elle ne se présume pas.
Le contrat de fiducie et ses avenants doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date au service des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts des non-résidents si le fiduciaire n’est pas domicilié en France. Contrairement au TRUST, il existe un formalisme rigide. Le fiduciaire est responsable sur son patrimoine propre des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission. Ainsi, certaines Sociétés de gestion de portefeuille ne souscrivent plus avec leurs clients un simple mandat de gestion mais un mandat FIDUCIAIRE qui leur donne plus de liberté mais surtout plus de responsabilités dans la gestion et qui permet aux clients la possibilité d’exclure les biens gérés de leur patrimoine pendant la durée de la gestion.
Les effets du contrat de Fiducie
La Fiducie permet aux constituants d’être déchargés de la gestion de biens ou de droits, tout en les attribuant à des fiduciaires qui doivent les gérer avec loyauté et diligence pour le bénéfice de tierces personnes. Ces biens ou droits sortent définitivement du patrimoine du constituant et forment une masse séparée dans le patrimoine du fiduciaire.
Ils ne pourront dès lors être saisis NI par les créanciers du constituant, NI par les créanciers personnels du fiduciaire (« patrimoine d’affectation« ).
En cas de décès du fiduciaire, les biens et droits objets de la Fiducie ne font pas partie de la succession du fiduciaire.
Dans ses rapports avec les tiers le fiduciaire est réputé disposer des pouvoirs les plus étendus sur les biens du contrat – « Sauf si les tiers, de mauvaise foi, connaissent d’éventuelles limitations des pouvoirs du fiduciaire« .
Si le fiduciaire manque gravement à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés, le constituant ou les bénéficiaires peuvent demander en justice le remplacement du fiduciaire, la révocation de la Fiducie ou la nomination d’un administrateur fiduciaire.
Le contrat de Fiducie est nul s’il a pour finalité une donation ou une dévolution successorale au profit du bénéficiaire (art 2013 c.c.). Cette nullité est d’ordre public. Cette caractéristique, entre autres, distingue la Fiducie des trusts anglo-saxons et reprend à son compte l’ancienne interdiction post-révolutionnaire des substitutions fidéicommissaires.
Les conséquences fiscales
L’ordonnance pose le principe de la neutralité fiscale pour le transfert de propriété des actifs mis en Fiducie . Pendant le rapport fiduciaire, les revenus dégagés par les biens mis en Fiducie restent imposés au nom du constituant. Le transfert fiduciaire de biens ou de droits n’est pas un fait générateur d’impôt sur le revenu pour le fiduciaire si :
– le constituant est désigné comme le ou l’un des bénéficiaires. Au dénouement du contrat aucune imposition ne sera appliquée, dès lors que les biens sont retournés au constituant.
– les biens ou droits sont transférés dans le cadre d’un contrat de Fiducie tel que défini à l’article 2011 du Code civil
– le fiduciaire inscrit dans les écritures du patrimoine fiduciaire les biens ou droits transférés pour leur prix ou leur valeur d’acquisition.
Le constituant reste redevable de l’IFI s’il est éligible. Pour le calcul de l’IFI, , aux termes de l’article 885 G bis du CGI, les biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire ou ceux éventuellement acquis en remploi, ainsi que les fruits tirés de l’exploitation de ces biens ou droits, doivent être compris dans le patrimoine du constituant. En pratique, la fiducie souffre toujours de ce défaut qui interdit son utilisation dans un objectif de libéralité.
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